Comprendre la dynamique des marchés en 2025 : analyse de Jurrien Timmer
Dans le cadre des DialoguesFidelity, Jurrien Timmer, directeur en chef, Macroéconomie mondiale chez Fidelity, fournit une analyse approfondie des marchés des capitaux à l’aube de 2025.
Voici quelques-uns des points à retenir.
Inflation et dynamisme économique
M. Timmer a commencé la discussion en abordant la question persistante de l’inflation, qui est restée obstinément élevée dans les environs de 2,83 % et 3 % en 2024, soit au-dessus de la cible de la Réserve fédérale américaine (Fed). Il craint qu’une accélération de l’économie possiblement attribuable aux réductions d’impôt et à la déréglementation n’entraîne l’inflation à la hausse et crée une « nouvelle norme » caractérisée par des taux d’inflation supérieurs à la cible, de l’ordre de 3 %, voire 4 %. Ce scénario pourrait nuire à la capacité de la Fed à maintenir la stabilité des prix.
Le rôle de la Fed
M. Timmer a parlé de la règle de Taylor, un principe économique qui aide à déterminer le taux approprié des fonds fédéraux en fonction du niveau actuel d’inflation et de chômage. Selon cette analyse, la Fed avait le feu vert pour abaisser les taux, ce qu’elle a fait à trois reprises en 2024. Cependant, M. Timmer fait remarquer qu’il y a un an, les marchés tablaient sur une approche plus énergique, avec sept baisses de taux, au lieu de trois.
Pour l’avenir, M. Timmer a exprimé ses préoccupations quant à l’indépendance de la Fed après le départ possible à la retraite de son président actuel, Jerome Powell. Il a émis l’hypothèse que la nomination d’un nouveau chef, influencée par le président des États-Unis et le Congrès, pourrait donner lieu à des conditions plus souples si le climat politique est favorable. Bien que des manoeuvres législatives visant à miner l’indépendance de la Fed soient jugées peu probables, un changement de dirigeant pourrait influencer l’approche de la Fed à l’égard des déficits budgétaires persistants, lesquels sont appelés à perdurer aux États-Unis et dans d’autres pays comme le Canada, le Royaume-Uni et l’Europe.
Rendement des catégories d’actifs
M. Timmer a souligné le rendement de l’or en 2024, notant son augmentation de 30 % qui surpasse l’augmentation de 25 % de l’indice S&P. De plus, le bitcoin a enregistré un gain important de 120 %. M. Timmer a parlé d’un graphique illustrant les corrélations entre les différentes catégories d’actifs, expliquant que bon nombre d’entre elles sont positivement corrélées à l’indice S&P, tandis que seulement quelques-unes présentent une corrélation négative, ce qui laisse entrevoir une dynamique de marché complexe.
L’incidence de l’intelligence artificielle
Il a également discuté du rendement du secteur des services collectifs compte tenu des tendances du marché et de l’influence de l’intelligence artificielle (IA). Les titres de ce secteur enregistrent habituellement de bons résultats pendant les replis économiques en raison de leur stabilité, mais M. Timmer constate qu’un nombre croissant d’entre eux sont liés aux infrastructures d’IA, comme les centres de données, ce qui signale un changement dans la perception et la valorisation du secteur. Cette intégration de l’intelligence artificielle entraîne une réévaluation des titres des services collectifs traditionnels.
Tendances en matière de valorisation et modèle CAPE
M. Timmer a fait référence au modèle CAPE (ou ratio cours/bénéfice corrigé des variations cycliques), qui utilise les bénéfices d’une décennie pour prédire les rendements futurs. Il a insisté sur le fait que les valorisations extrêmes tendent à revenir à la moyenne avec le temps. Bien que l’évolution des cours ait été remarquable en 2024, certains éléments demeurent en suspens quant à l’orientation prochaine des valorisations, notamment en ce qui concerne les tendances émergentes influencées par l’IA.
Perspectives des marchés
M. Timmer a laissé entendre que même si les rendements des deux prochaines années se révèlent relativement bons, les rendements globaux au cours de la prochaine décennie devraient être inférieurs à la tendance. Il a qualifié la phase actuelle du marché de « septième manche » dans un marché haussier cyclique de longue durée. Il a soulevé des questions sur un possible changement de discours quant à l’exceptionnalisme américain, comparant la position actuelle de NVIDIA sur le marché aux booms technologiques antérieurs de Cisco en 1999 et de RCA en 1929.
Bénéfices et dynamique du marché
M. Timmer a comparé l’état actuel des bénéfices sur le marché à ceux observés lors de la bulle Internet. Il fait remarquer que lors de cette bulle, les analystes avaient modifié la définition des bénéfices pour justifier des prix élevés, ce qui a entraîné une surévaluation des actions. En revanche, les bénéfices actuels sont décrits comme étant robustes, en particulier ceux des « 7 magnifiques », qui ont largement surpassé l’ensemble du marché par un facteur de 12 au cours de la dernière décennie. Cependant, il s’inquiète des ratios cours/bénéfice (C/B) élevés de ce groupe, qui s’établissent à 38 fois les bénéfices, contre 22 pour le reste du marché.
Contexte des placements et compétitivité des obligations
Enfin, M. Timmer a discuté du contexte actuel des placements, en insistant sur la concurrence entre les actifs sans risque, en particulier les obligations, et le marché boursier. Les taux obligataires d’environ 5 % représentent un défi pour les actions, d’autant plus que le marché boursier est perçu comme coûteux. Il fait remarquer que l’ère des taux réels négatifs est terminée, ce qui rend les obligations et les liquidités plus concurrentielles que les actions. Par le passé, le marché boursier a produit de solides rendements composés, mais les valorisations et les niveaux de confiance actuels pourraient ne pas permettre une croissance soutenue du marché, même avec un élan positif des bénéfices.
Conclusion
Somme toute, les réflexions de M. Timmer reflètent une perspective prudente et éclairée de l’évolution de la dynamique du marché et de l’économie, et mettent l’accent sur l’importance de surveiller l’inflation, les politiques budgétaires et les tendances sectorielles comme facteurs clés influençant les stratégies de placement à l’avenir.