Rédigé par : insider@insider.com (Aly J. Yale)
Source : Business Insider
- Les femmes sont sous-représentées dans le domaine des placements, que ce soit à titre de professionnelles ou de clientes.
- Les femmes obtiennent des rendements à long terme plus élevés que les hommes; les sociétés dont la main-d’œuvre est plus égalitaire obtiennent aussi de meilleurs résultats.
- Le fait d’élargir l’accès à l’éducation financière, d’embaucher plus de femmes et d’appuyer les entreprises dirigées par des femmes peut contribuer à améliorer la situation.
Les femmes ont toujours été sous-représentées dans le domaine des placements, que ce soit à titre professionnel ou en tant qu’investisseuses de leur patrimoine. On compte une poignée de femmes parmi les gestionnaires de fonds, les conseillers en placement, les analystes en placement et les partenaires de capital de risque. Et pour ce qui est de la clientèle, à peine un tiers des femmes ont affirmé avoir confiance en leur capacité de prendre des décisions de placement.
Bien que les femmes aient augmenté leurs activités de placement au cours des dernières années (surtout durant la pandémie), l’écart entre les sexes demeure important. Or, les experts estiment que la sous-représentation des femmes ne fait que perpétuer le cycle et empêche des générations de femmes d’investir en réalisant leur plein potentiel.
Les femmes sont sous-représentées dans les placements
La relation entre les femmes et l’argent a longtemps été conflictuelle. Jusque dans les années 1960, la plupart des femmes ne pouvaient pas contracter de prêt sans cosignataire masculin. Certains prêteurs exigeaient des femmes qu’elles s’engagent par écrit à ne pas avoir d’enfant pendant la durée du prêt. Certes, la société a bien évolué depuis, mais les données montrent que les femmes sont encore très désavantagées lorsqu’il s’agit d’accéder à leur patrimoine et de le faire fructifier. Elles sont également fortement sous-représentées dans l’ensemble des secteurs de la finance et des placements.
Lors d’une enquête menée par BNY Mellon Investment Management, la plupart des sociétés de gestion d’actifs ont indiqué que 10 % ou moins de leurs gestionnaires de fonds et analystes en placement étaient des femmes. Une autre étude a montré que 18 % des conseillers financiers étaient des femmes. Et en ce qui concerne le capital de risque, 89 % des associés étaient des hommes.
« En tant que spécialistes en placement, les femmes sont systématiquement sous-représentées dans tous les volets du secteur, des postes de haut niveau dans les services bancaires, le capital-investissement, le capital de risque et la finance jusqu’à la gestion de portefeuilles pour investisseurs institutionnels et particuliers », a déclaré Kristen Howell, directrice des affaires juridiques de la plateforme de placement immobilier CrowdStreet. « De nombreuses études le confirment, mais je le constate également dans mon expérience personnelle. En tant que cadre supérieure dans la finance, j’ai rarement affaire à d’autres femmes. »
Cette sous-représentation finit par avoir des répercussions. Elle signifie non seulement qu’il y a moins de mentores et de ressources pour les femmes qui s’intéressent à ces carrières lucratives, mais aussi qu’il y a moins de modèles féminins pour celles qui cherchent simplement à investir leur argent et à faire fructifier leur patrimoine.
« Le fait de voir des gens comme nous être audacieux et prendre des décisions rejaillit sur tous les aspects de notre vie », a déclaré Sandi Bragar, directrice générale de la société de gestion de patrimoine Aspiriant. « Les modèles nous encouragent, nous motivent et nous inspirent. Si les femmes sont plus nombreuses à occuper des postes de premier plan dans les placements, les femmes comme les hommes gagneront en confiance pour prendre leurs finances personnelles en main. »
Qu’arrive-t-il lorsque nous investissons dans les filles et les femmes?
L’écart entre les sexes dans le domaine des placements ne fait pas que perpétuer un cycle de longue date. Il entrave aussi la constitution d’un patrimoine en général.
« Les femmes contrôleront bientôt la majeure partie de la richesse aux États-Unis et dans le monde », a déclaré Lacy Garcia, fondatrice et cheffe de la direction de Willow, une plateforme d’éducation financière axée sur les femmes. « On s’attend en effet à ce que la part du patrimoine mondial détenue par les femmes atteigne entre 81 000 et 93 000 milliards de dollars en 2023 et à ce qu’aux États-Unis, les femmes héritent de la majorité du transfert intergénérationnel de patrimoine de 30 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Bref, moins d’investisseuses signifient moins de croissance du patrimoine. »
La sous-représentation des femmes parmi les spécialistes des placements nuit également à la croissance des placements. Plusieurs études, notamment celle de Fidelity citée précédemment, ont révélé que les investisseuses obtiennent systématiquement de meilleurs rendements que leurs homologues masculins. Une étude du MIT a révélé que les revenus générés par les sociétés diversifiées – qui comptent un nombre égal d’hommes et de femmes – étaient supérieurs de 41 % à ceux des autres. Comme le dit Mme Garcia, « les équipes diversifiées produisent de meilleurs résultats ».
Enfin, certains types de placements sont favorisés par la participation des femmes. L’étude de BNY a montré que 53 % des femmes investiraient (ou investiraient davantage) si les fonds de placement étaient axés sur un objectif positif.
« Pour beaucoup de femmes, les rendements financiers ne suffisent pas », a déclaré Kristina Church, cheffe de la stratégie responsable à BNY Mellon. « Les femmes s’intéressent davantage à l’investissement responsable et veulent générer des retombées positives sur l’environnement et la société. Notre étude a révélé que si les investisseuses étaient plus nombreuses, jusqu’à 1 870 milliards de dollars pourraient affluer dans les placements responsables. Il s’agit de montants transformationnels. »
Promouvoir l’inclusion des femmes dans les placements
Il est évident qu’une plus grande représentation des femmes dans le monde des placements est indispensable. Il n’existe pas de solution unique pour y arriver. Cependant, les investisseuses chevronnées affirment que le monde des affaires, la société et même chacun de nous, dans nos échanges avec le monde, peuvent poser de petits gestes pour changer les choses.
1. Élargir l’accès à la formation sur les placements.
Les femmes se sont souvent senties exclues de l’éducation financière. Leslie Thompson, cheffe des placements et cofondatrice de Spectrum Wealth Management, a expliqué : « Dans les écoles secondaires et à l’université, les clubs de placement ou les cours en finance sont dominés par les hommes; il est difficile et intimidant pour les femmes de s’y joindre. »
« J’interviens dans des écoles primaires et intermédiaires de milieux défavorisés[CO1] en Arizona pour intéresser les étudiants de familles à faibles revenus aux placements. » a affirmé Mme Bragar. « Je viens d’une famille monoparentale. Ma mère avait deux emplois. Nous avons épargné, mais nous n’avons pas investi. Quand j’ai commencé à investir, j’ai pu constater par moi-même qu’épargner pour investir est puissant. »
Erin Bellissimo, directrice générale du Notre Dame Institute for Global Investing, est une autre investisseuse de longue date qui s’emploie à accroître la place des femmes dans le monde des placements. Elle a été fondatrice et membre du conseil d’administration de Girls Who Invest, un organisme sans but lucratif dont la mission est d’augmenter le nombre de femmes dans le domaine des placements. Elle travaille également pour le Notre Dame's The Power of Investing Program, qui vise à aider les élèves de dernière année du secondaire à découvrir la valeur de l’intérêt composé pour la constitution de patrimoine.
« Nous ciblons les femmes et les minorités sous-représentées, a expliqué Mme Bellissimo. Bien sûr, j’espère qu’elles seront attirées par Notre-Dame et qu’elles voudront y étudier, car nous bénéficierons ainsi d’un milieu plus riche et plus diversifié. Mais j’espère avant tout qu’elles acquièrent ces connaissances pour la vie. »
L’institut où travaille Mme Bellissimo organise également chaque année un sommet sur les femmes et l’investissement, qui comprend un concours de présentations, des conférenciers de marque et des groupes d’experts, en plus de procurer de précieuses possibilités de réseautage.
Elle a ajouté : « Nous aimons rassembler les gens et élargir les réseaux, car je suis convaincue que c’est essentiel pour les affaires, non seulement pour créer des occasions, mais aussi parce que vous pouvez être plus habile et plus efficace dans votre travail si vous disposez d’un réseau plus vaste. »
2. Améliorer la diversité lors de l’embauche et du recrutement.
Depuis quelques années, la diversité est devenue une préoccupation majeure et bon nombre d’entreprises ont déployé des efforts concertés pour recruter et embaucher une main-d’œuvre plus diversifiée. Selon une étude de McKinsey, le nombre de femmes occupant des postes de cadres supérieurs a bondi de 27 % depuis 2016.
Bien qu’il s’agisse d’un progrès impressionnant, les spécialistes croient qu’il est essentiel de poursuivre les efforts pour attirer davantage de femmes dans le monde des placements.
« Les femmes sont sous-représentées à bien des égards dans le monde des placements, affirme Rose Niang, directrice de la planification financière à Edelman Financial Engines. Les secteurs de la finance et des placements ont traditionnellement été dominés par les hommes. Si vous ne voyez pas de femmes à certains postes, il vous est plus difficile d’imaginer que vous pouvez y accéder. Il est important d’accroître la visibilité des femmes dans le milieu des placements, mais nous devons aussi rendre leur présence normale. »
En outre, les sociétés financières ne devraient pas uniquement cibler les femmes en général. Il faut également accorder la priorité au recrutement de femmes de couleur. Selon un rapport de Cerulli, environ 3 % des planificateurs financiers sont noirs, 5 % sont latino-américains et 4 % sont asiatiques, hommes et femmes confondus.
« L’histoire des États-Unis a été marquée par la restriction des droits financiers des femmes et le racisme, de sorte que les femmes de couleur sont très à la traîne dans la course à la sécurité financière, a rappelé Jill Fopiano, présidente et cheffe de la direction de O’Brien Wealth Partners. Il est difficile pour de nombreuses femmes de couleur de trouver des groupes de référence ou des mentors avec qui parler d’argent, ce qui perpétue les tabous. »
3. Offrir un salaire équitable aux femmes et veiller à les retenir.
L’embauche d’un plus grand nombre de femmes n’est que la première étape. Pour que les femmes demeurent autonomes et actives dans le secteur des placements, il faut déployer des efforts sincères et marquants pour les soutenir, les récompenser et les retenir une fois intégrées au personnel. Cela consiste à offrir des occasions de mentorat ainsi que des politiques de congé qui permettent aux femmes de gérer leurs obligations familiales.
« Les entreprises doivent offrir une plus grande souplesse et éliminer les préjugés, en faisant en sorte qu’il soit normal pour les hommes – ainsi que pour les femmes – de prendre des congés payés et non payés pour s’occuper de leurs enfants et de leur famille, croit Samantha Seaton, cheffe de la direction de Moneyhub. J’ai été inspirée par l’exemple de Jo Whitfield, la patronne de Co-op, qui a pris un congé pour aider ses fils adolescents à passer leurs examens. Prendre ce genre de pause devrait être accepté et encouragé, afin qu’il paraisse tout à fait normal de s’absenter pour des raisons familiales, qu’on soit un homme ou une femme. »
Il faut également rémunérer équitablement les femmes.
« L’une des principales raisons pour lesquelles les femmes investissent moins est qu’elles gagnent moins que les hommes, a affirmé Mme Howell. Les femmes issues des minorités font face à des obstacles encore plus importants parce que leurs revenus sont inférieurs à ceux des femmes non issues de minorités. »
Point important : les femmes gagnent 84 % du salaire des hommes, selon le Pew Research Center. L’écart est plus faible pour les femmes âgées de 25 à 34 ans; elles gagnent 93 cents par dollar.
4. Financer davantage les entreprises appartenant à des femmes.
« Aux États-Unis, les femmes sont le moteur de la création d’entreprises. Cependant, les fondatrices demeurent désavantagées en matière de financement », a déclaré Linda Davis Taylor, ancienne cheffe de la direction de Clifford Swan Investment Counselors et animatrice du balado Money Stories. « Bien que la croissance de leurs entreprises soit plus rapide, elles reçoivent moins de 3 % du financement de capital de risque. »
Les entreprises appartenant à des femmes sont beaucoup moins susceptibles de recevoir du financement, en particulier de la part de sociétés de placement où les hommes sont surreprésentés. Selon PitchBook, l’an dernier, 2 % de la totalité du financement par capital de risque ont été investis dans des entreprises fondées par des femmes.
« Les femmes étant rares aux postes de direction des sociétés d’investissement et de capital de risque, les femmes ou les personnes issues de la diversité reçoivent moins de financement, a dit Nafeesa Jafferjee, cofondatrice de la plateforme financière Quirk. Pour y remédier, il faut soutenir les fonds gérés par des femmes. Ces fonds ont tendance à investir davantage dans les femmes et les femmes de couleur. C’est la meilleure façon d’accroître le soutien aux femmes, puisque les entreprises qu’ils détiennent ont aussi tendance à s’adresser aux femmes. »
Frances Simowitz, cheffe de la direction de WEVE, un accélérateur d’entreprises en démarrage entièrement composé de femmes, a déclaré qu’au bout du compte, il faut embaucher plus de femmes.
« La sous-représentation engendre davantage de sous-représentation, affirme Mme Simowitz. Il a été démontré que les entreprises dirigées par des femmes sont plus susceptibles d’embaucher du personnel féminin et que les fonds de capital de risque gérés par des femmes sont plus susceptibles d’appuyer des femmes. La présence accrue des femmes et une plus grande diversité raciale aux plus hauts échelons des entreprises sont indispensables pour briser le cycle des inégalités. »
Conclusion
La place des femmes dans le monde des placements a énormément progressé, mais il reste encore du chemin à parcourir. Élargir l’accès à l’éducation financière, embaucher des femmes et les garder dans des professions axées sur les placements et appuyer plus d’entreprises dirigées par des femmes font partie des moyens grâce auxquels la société peut continuer d’améliorer la représentation de la base au sommet.
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